Alan ALLART
Electronicien-Sciences Crozet - Mission 61
Création : 21 Octobre 2023
Mise à jour : 21 Octobre 2023
Les formations pour le volontariat que je vais effectuer, qui avaient commencé le 28 aout, touchent à leur fin et le grand départ approche. Je profite donc de ce premier post pour raconter ce qui s'est passé ces deux derniers mois
J'ai pu rencontrer mon binôme de terrain après deux semaines de formations. Avec Jean-Sébastien, qui est d'avantage du côté informatique, on se partagera la plupart des activités sur place en fonction des besoins.
Ces semaines bien rythmées de formation ont eu pour but de nous familiariser avec les tâches, les environnements et les systèmes sur base. Je suis aussi beaucoup plus à même de détailler tout ce que je vais être amené à effectuer sur base (ce qui était jusqu'à maintenant relativement flou)
Beaucoup de programmes scientifiques géophysiques, biologiques et botaniques sont réalisés tous les ans sur base :
Nous avons été formés à l'EOST (Strasbourg) aux mesures absolues : il s'agira de mesurer tous les jours avec précision la direction du champ magnétique terrestre (déclinaison et inclinaison), en utilisant un théodolite sur lequel est fixé une sonde magnétique. Le théodolite est un appareil qui permet de mesurer des angles avec une grande précision (de l'ordre de 0.0001 grad), mais pour cela il doit être aligné avec la verticale locale avec cette même précision. Cette tâche n'a toujours pas pu être automatisée, au regard de la précision de mesure demandée, et est pourtant essentielle pour nourrir tous les modèles magnétiques mondiaux.
Toujours à l'EOST, nous avons été formés aux pointés sismologiques. Cela consiste à reconnaitre, sur les sismogrammes de la veille, les différents types d'ondes sismiques ressenties sur place (de compression, de cisaillement, de surface, réfléchies ou réfractées, ...). Ces pointés permettent d'alimenter les modèles de composition de la croute terrestre et tomographiques.
Nous sommes restés 3 semaines à Plouzané (en bordure de Brest), à l'Institut Polaire Français pour la suite des formations.
Il y a eu quelques TP câblages et soudage de fibre optique, dans le cas où des moyens filaires se dégraderaient (en particulier à cause de la météo très difficile et des UV, ou d'animaux qui voudraient s'amuser) ou soient à ajouter.
Une grosse partie de la formation était la logistique. En effet, mon binôme et moi-même allons être responsables de la réception, de l'envoi, du chargement et du déchargement de matériel personnel, expérimental, et d'échantillons scientifiques (parfois avec une nécessité de maintenir des chaines de froid à -4 ou -80 degrés). Ces chargement / déchargement auront lieux à chaque rotation du Marion Dufresne. Toutes ces fournitures seront référencées à ou à référencer proprement pour ne rien laisser de côté lors des chargement et déchargement du bateau par hélicoptère.
La logistique comprend également la maintenance et le suivi / ravitaillement en consommable des cabanes (3 sont présentes sur l'île). Il faudra également mettre en cohérence les besoins en cabanes des différents programmes scientifiques. Les places en cabanes sont limitées et il faut que les besoins des programmes soient répartis et que chacun ait le temps de faire toutes les manips voulues. Plusieurs contraintes seront à prendre en compte comme la durée nécessaire, l'éventuel espacement entre deux sessions du même programme, le moment voulu (cycles reproducteurs ou présence des mammifères et oiseaux par exemple)
Une semaine entière a été dédiée au séminaire des hivernants. Tous les hivernants de tous les districts ont pu se rencontrer pour la première fois. Nous avons tous beaucoup de points en commun mais en même temps nos particularités, et les échanges étaient vraiment enrichissants ! Cela annonce un bon hivernage avec des personnes au top !
Cela a également été l'occasion de suivre des exposés sur la situation des différents districts, sur la médecine en site extrêmement isolé comme sur nos îles, sur la logistique globale des expéditions, et sur quelques recherches qui étaient menées directement sur base. Il y a également eu quelques travaux pratiques et des ateliers de communication et de psychologie, car il est extrêmement important que l'ensemble de la base reste soudée, communique bien, et gère intelligemment les éventuels conflits ou sources de potentiels conflits.
Nous avons également passé une habilitation électrique nécessaire à quelques réparations d'installation électrique de terrain, et une formation pour la lutte contre des départs de feu, avec un petit TP extincteur à la clé.
La dernière semaine à l'IPEV était dédiée à d'autres programmes scientifiques menés par le CNES, l'IGN, et l'INSU. Des antennes GNSS, des émetteurs HF, et l'utilisation du réseau ARGOS permet le suivi des micro mouvements de la croute terrestre, et un recalage très précis du positionnement de certains satellites. Un suivi très précis de la hauteur d'eau est également effectué sur les îles, afin d'alimenter des modèles marégraphiques. Cela peut permettre de remonter à l'état de la surface terrestre dans des âges antérieurs ou d'alimenter des prédiction d'état des océans et des marées sur les prochaines années.
Après un retour sur Strasbourg, j'ai pu former Jean-Sébastien aux mesures absolues du champ magnétique. Puis une dernière semaine de formation a été dédiée aux programmes de suivi des colonies et des individus de manchots royaux. Pour alimenter des recherches biologiques (comportements des populations, épigénétique, biophysique, et d'autres champs qui sont pour l'instant très abstrait pour moi), des antennes RFID fixes (utilisant le secteur et la connexion fibre optique de la base) et mobiles (autonomes en énergie et en stockage) sont implémentées dans le sol à plusieurs endroits de l'île. Il a donc fallu apprendre à utiliser ces systèmes, mais aussi à les mettre en place et à les débugger. Un petit TP panneaux solaires était également de mise, pour les sites d'acquisition éloignés et autonomes en énergie.
Comme toutes les données scientifiques sont essentielles, nous avons également découvert et beaucoup expérimenté tout au long de la formation sur toutes les architecture électriques, électroniques et informatiques des systèmes présentés ci-dessus. Le but est d'être en mesure de diagnostiquer et réparer des éventuelles pannes sur le terrain en étant assez réactif.
Au global, nous avons appris énormément sur beaucoup de programmes scientifiques, sur la situation des îles, et avons eu un aperçu de la vie sur place. Ces deux mois ont été remplis de rencontres très variées, tant au niveau des futurs hivernants, que de campagnards d'été, de chercheurs et responsables de labo, des personnels de la chaine logistique et administrative scientifiques (IPEV), des responsables médicaux et des futurs médecins de base, et des responsables administratif des TAAFs. Ce sont toutes ces personnes qui rendent toutes ces recherches et cette aventure possible, et ces rencontres étaient vraiment enrichissantes.
Les prochaines étapes vont arriver assez vite ! Mardi 24 octobre, je quitte la métropole en direction de la Réunion pour ma dernière formation. C'est une formation dédiée aux manipulations de systèmes de cordes et de secours sur systèmes de corde, qui sera nécessaire pour l'accès à certains sites scientifiques. Puis, le 31 octobre, la Marion Dufresne démarrera OP3, direction les îles Crozet, pour 13 mois d'hivernage !
J'en profite pour vous rappeler que vous lire du bout du monde me fera énormément plaisir et pourra ramener un peu de mon ancienne vie sur base ! J'attends vos courriers avec impatience ! Pour savoir comment m'envoyer du courrier, vous pouvez vous référer à la partie contact, ici.